Ressources
Projections-débats dans les structures sociales pour arrivants
Le cinéma en VOST peut être un outil de médiation et de dialogue pour les structures accueillant des arrivants étrangers, maîtrisant peu ou prou le français. Afin de réunir son public autour d’une oeuvre, et cherchant un point de rencontre entre deux cultures, beaucoup d’associations caritatives ont recours au ciné-débat en version originale, dans des langues parlées par une majorité de leur public : ils organisent des séances non-commerciales dans leurs locaux avec des films en langues perse, russe, arabe, roumaine ou autre.
Alors que la crise migratoire est au cœur de notre actualité et que l’Europe ferme ses frontières à mesure que le nombre de réfugiés augmente -à tel point qu’il nous est difficile de se rendre compte du nombre de vies touchées : on est passés de 8,4 millions de personnes déracinées en 2005 à 64,5 millions en 2016 ( d’après le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés )-, le film d’Ai Wei Wei, Human Flow, sort dans les salles ce mercredi 07 février. Il donne la parole et met en lumière ces vies humaines qui quittent par nécessité – guerre, crise politique, crise climatique – famille, travail, maison et racines culturelles pour traverser la méditerranée avec l’espoir de trouver une terre d’accueil. L’équipe du réalisateur traverse 23 pays du monde en Europe, aux Etats-Unis, au Moyen-Orient pour témoigner, pour montrer, en image et sans discours, les camps de réfugiés surpeuplés, la vie de ces hommes et femmes qui vivent dans un espoir incommensurable de reconstruire leurs vies, alors qu’ils se sont déplacés contre leur gré. En France, nous sommes encore loin d’être l’une des première terres d’accueil : la Turquie, le Pakistan, le Liban, l’Iran nous dépassent largement en la matière bien que cela représente un défi majeur pour ces nations en voie de développement. Parmi les 2,8 millions demandeurs d’asile en attente, la France en comptait 78000 en 2016, loin derrière nos voisins les Allemands qui concentraient plus de 700 000 demandes. Pour autant, des associations françaises oeuvrent pour accueillir les réfugiés en France et de nombreux travailleurs sociaux travaillent avec un public allophone. Nous avons donc voulu faire une proposition de films en ce sens, que les structures pourraient proposer à leur public pour organiser des ciné-débat, ainsi qu’un outil de recherche (cinéfiches) dont ils peuvent se saisir à ces fins.
Quelques rappels pour les séances non-commerciales
A l’intention des travailleurs sociaux et professionnels de l’éducation, sachez que le site cinéfiches propose un classement des films par nationalité : il peut être un outil très utile pour cibler les publics avec lesquels vous travaillez. Le choix est grand, classé par ordre de sortie, et peut sensiblement vous donner des idées pour l’organisation de vos ciné-débats : http://www.cinefiches.com/voir_theme.php?id_famille=16.
Par ailleurs, nous invitons les équipes strasbourgeoises et alentours à se rendre dans les cinémas Star et Star Saint-Exupéry ainsi qu’à l’Odyssée, qui offrent à leur public une programmation cosmopolite. Nous tenons également à vous rappeler l’existence du Festival du Film Arabe qui se tient chaque année en octobre à Fameck en Moselle.
S’il paraît donc difficile de faire un choix parmi les nombreux films étrangers en Arabe, Persan, Russe et Roumain, une première idée serait, si vous souhaitez organiser une séance dans un cinéma proche de chez vous, d’aller directement demander conseil au programmateur de la salle. Sinon, il est possible pour vous de choisir un film parmi les catalogues institutionnels que nous vous proposons ici afin d’organiser des ciné-débats fructueux avec votre public ( cf détails sur la droite)
Par ailleurs, nous avons recherché pour vous différents films qui pourraient intéresser vos publics allophones, et nous vous avons fait un classement, non exhaustif, de films joués en langue arabe, persane, russe et roumaine parmi le patrimoine contemporain afin de faciliter les recherches de film des ciné-débats avec publics allophones, parmi un choix de langues après qui nous a été indiqué par les travailleurs sociaux et bénévoles des associations caritatives et sociale.
Quelques exemples de films contemporains en langues étrangères
– EN ARABE –
La Syrie, l’Afghanistan et le Soudan sont actuellement les pays d’où l’on fuit le plus.
- Tarik Saleh, Le Caire confidentiel, 2017
- Heifaa Al-Mansour, Wadjda, 2012
Dans le pays de Sophia, premier robot citoyen du royaume saoudien, les salles de cinémas ont été interdites pendant 35 ans jusqu’en décembre 2017, pour autant, cela n’a pas empêché le cinéma saoudien de dessiner une reconnaissance internationale même s’il est évident qu’en regard du patrimoine cinématographique français, la filmographie saoudienne est courte ( un peu plus d’une dizaine ). Nous avons retenu pour vous le film Wadjda, réalisé par Heifaa Al-Mansour en 2012, premier film officiel produit par le pays qui raconte, avec humour, la vie d’une fillette de 12 ans habitante de la banlieue de Riyad, qui souhaite obtenir une bicyclette, alors qu’elles ne sont destinées qu’aux hommes. La jeune fille semble déterminée, et c’est à travers sa situation qu’Heifaa Al-Mansour dépeint la société saoudienne, et dénonce la condition et les règles strictes liées au statut de la femme en Arabie Saoudite.
À VOIR AUSSI DANS LA MÊME LANGUE :
- Philippe Van Leeuw, Une Famille syrienne, 2017
- Nouri Bouzdid, Millefeuille, 2013
- Rady Mihaileanu, La Source des femmes, 2011
- Nadine Labaki, Caramel, 2007
– EN PERSAN –
Alors que la Nouvelle Vague iranienne débute en 1969 avec le tournage de Gāv de de Dariush Mehrjui, puis, perpétuée par des cinéastes précurseurs comme Furough Farrokhzad, Sohrab Shahid Saless, Bahram Beyzai et Parviz Kimiavi. La Nouvelle Vague iranienne porte un certain regard sur la politique du pays, avec philosophie, humanisme et poésie. Parmi les précurseursdans le domaine cinématographique iranien, nous comptons Abbas Kiarostami et son disciple Jafar Panahi, que nous ne présentons plus.
Le Pain et la Rue, Abbas Kiarostami
Si l’expression artistique d’Abbas Kiarostami ne se limite pas à un seul media puisqu’il est également plasticien, peintre et photographe ( La Forêt sans feuilles de l’artiste iranien était exposée à Beaubourg en 2005 ), nous vous proposons une courte revue de deux de ses long-métrages, qui pourraient amener des discussions fructueuses avec votre public. Mais pour commencer, Le Pain et la Rue ( 1970 ), premier court-métrage du cinéaste semble être une bonne manière d’aborder l’œuvre du cinéaste, un court-métrage de 12 minutes en noir et blanc dans lequel se confrontent un jeune garçon et un chien alors qu’il rentrait de l’école.
– Abbas Kiarostami, Close-Up, 1990
Dans Close-Up, Kiarostami mêle réalité et fiction. Le scénario est tiré d’un fait divers : un homme, Sabzian, se fait passer pour le cinéaste populaire iranien Mohsen Makhmalbaf à qui il ressemble, pour abuser d’une famille bourgeoise iranienne. Dès lors, Kiraostami s’empresse de prendre sa caméra pour reconstituer le fait divers alors qu’il nous montre en parallèle le véritable procès de Sabzian. Il trouble son spectateur dans ce film qui lie réalité et reconstitution, témoignant, prenant des moments sur le vif. Le personnage de Sabzian pose la question de la souffrance et de la passion ( celle qu’il a pour le cinéma et Makhmalbaf ). Kiarostami, en expliquant son dispositif cinématographique lors du procès, provoque le trouble, et interroge sur la nature même du procès.
Dans Ten, Kiraostami met en place un dispositif on ne peut plus minimaliste : 2 caméras DV, un lieu – une voiture, une protagoniste, et dix séquences seulement, pour dix conversations. Une iranienne conduit une voiture et discute avec ses passagers, le seul personnage masculin du film sera son fils. Dans ce documentaire, c’est le paysage sociopolitique qui est vu au travers des yeux de cette femme : il en sort une réflexion sur la liberté de l’Iran, sur la justice sociale, et les droits des humains, notamment celui des femmes, sont discutés dans ce long-métrages à travers ces figures féminines et ce jeune garçon, qui semble perpétuer les idées conservatrices du pays.
– Jafar Panahi, Taxi Téhéran, 2015
Dans Taxi Téhéran, Jafar Panahi s’emploie au même exercice formel qu’Abbas Kiarostami, pour qui il a longtemps travaillé en tant qu’assistant de réalisation. Alors que le cinéaste connaît l’interdiction de filmer dans son pays, il s’emploie, malgré cette injonction, à prendre une caméra et à créer un plateau de tournage au sein d’une voiture taxi, en jouant lui même le protagoniste : celui d’un chauffeur. Mais comme la frontière entre documentaire et fiction est mince, on peut se demander: qui joue un rôle, qui n’en joue pas ? En tout cas, c’est à travers le défilé de ces passagers, que Jafar Panahi nous dresse le portrait la société iranienne, en tant que cinéaste interdit.
Des mêmes auteurs :
- Abbas Kiarostami :Trilogie de Koker ( Où est la maison de mon ami ?, 1987 ;Et la vie continue, 1991, Au travers des oliviers, 1994 ) / Close-Up, 1990 / Le Goût de la Cerise, 1997 / Le vent nous emportera, 1999 / Ten, 2002 / Copie Conforme, 2010.
- Jafar Panahi : Le Ballon Blanc, 1995 / Le Miroir, 1997 / Le Cercle, 2000 / Sang et Or, 2003 / Hors Jeu, 2006 / Pardé, 2013 / Taxi Téhéran, 2015
– Rokhsareh Ghaem Maghami, Sonita, 2016
Dans Sonita, la documentariste Rokhsareh Ghaem Maghami suit une jeune réfugiée afghane en Iran, qui rêve de devenir rappeuse alors qu’elle est vendue par sa famille afin d’être mariée. Pour une femme, chanter en solo, en Iran n’est pas concevable. Dans un pays hyper conservateur qui maintient les femmes à l’illettrisme, et dans l’autre, où le rap est illégal, le rêve de Sonita semble illusoire. Le film, porté par Rokhsareh Ghaem Maghami et la jeune fille de 14 ans nous raconte le refus des deux femmes du mariage forcé. L’intervention totalement assumée de la réalisatrice dans l’histoire de la jeune fille en conditionne la mise en scène.
– EN RUSSE –
– Andreï Zviaguintsev, Faute d’Amour, 2017.
Dans Faute d’Amour, Andreï Zviaguintsev nous dépeint une Russie froide et mutique à travers l’histoire d’un couple qui se sépare, parti à la recherche de leur fils disparu.
- Andreï Zviaguintsev : Le Retour, 2003 / Le Banissement, 2008 / Léviathan, 2014 / Faute d’Amour, 2017
- Svetlana Proskourina, La Trève, 2010
Primé à Cannes en 2017 et de retour dans les salles aux mois de janvier dernier grâce au Festival Télérama
– EN ROUMAIN –
- Christian Mungiu, 4 mois, 3 semaines, 2 jours, 2007
- Cristi Puiu, La Mort de Dante Lazaresc, 2005
- Cristian Nemescu, California Dreamin’, 2006